Je prends le temps de répondre aujourd’hui à une demande d’article qui m’a été faite il y a quelques semaines : Qu’est-ce que l’aliénation ?
Avec cette dynamique de réveil qui prend de plus en plus d’ampleur, la compréhension de ce terme tombe à point.
J’observe cette aliénation dans les discours chaque jour, car même lorsque les personnes pensent débattre avec des arguments objectifs, elles restent dans un cadre et avec des bases complètement déformés.
Quand une personne est aliénée, elle n’en est pas consciente car c’est sa perception même de la réalité qui est déformée. Chaque information, chaque réflexion est interprétée à travers des croyances fausses. On peut donc essayer de débattre avec elle, elle restera figée sur ce qui constitue la base de sa construction.
Que se passe t-il alors dans le processus d’aliénation ?
Il y a deux étapes :
Première étape, le lavage ou le déracinement.
On vous débarrasse de vos propres croyances, de vos propres valeurs, de votre histoire. Ce qui constitue votre culture ou votre personnalité est dénigré et discrédité, à long terme on vous en interdit l’accès. C'est une étape importante, il faut faire de la place. A ce moment, l'humain est alors complètement perturbé dans ces fondations, il est vulnérable et se sent complètement dépossédé de tout ce qui faisait sa force.
Une fois le déracinement effectif, quelle que soit la robustesse de l’arbre, il est emporté par le courant.
L’humain naturellement se donne des directions, des habitudes et des valeurs qu’il partage avec son entourage. Il a besoin de repères personnels et sociaux. Si ses propres repères sont affaiblis il aura alors tendance à assimiler avec plus ou moins de résistance ce qui lui est proposé.
Deuxième étape : le conditionnement ou la colonisation mentale
A ce moment est radicalement injectée une nouvelle réalité basée sur les valeurs et les intérêts de celui qui les injecte. Qu’elle soit juste ou pas, cette réalité est complètement, manipulée et conditionnée. L’aliéné ne se rend pas compte qu’il réfléchit sur la base des informations qui lui ont été transmises. Il est prisonnier, esclave sans le savoir. La colonisation implique de pénétrer chez l’autre et d’effectuer une modification visant à l’assimiler à notre propre identité. C’est en quelque sorte effectuer une réplique de notre monde, suffisamment pour en tirer profit.
Dans le cadre qui m’intéresse, celui des peuples ayant survécu à la colonisation occidentale, tous les éléments sont là ! Le déracinement de notre environnement premier, de nos croyances, valeurs et normes qui ont été méprisées et le sont encore pour ce qu’il en reste. Ce déracinement s’est effectué quand les colons ont amené des notions telles que sauvage, civilisé, mystique, pauvre. Marcher nu-pied, bercer son enfant, honorer ses ancêtres, considérer la nature à niveau égal, la perception de notre peau, nos cheveux, nos pratiques, notre alimentation, et bien d’autres aspects de notre quotidien. .
Tout cela a été remplacé, par des croyances autour de la modernité et de la science et de l’esthétique. Déformant notre compréhension de la spiritualité, nos représentations de la beauté, notre réflexion sur l’économie.
Comment pouvons alors réagir face à cette aliénation ?
Sortir de cette aliénation est aussi violent et indispensable qu’un massage cardiaque. L’aliéné est dans un espace-temps, où il est mort à lui-même et vivant dans le rôle imposé. Revenir à la vie est violent pour lui, car il doit prendre conscience de la supercherie. Il est violent de se rendre compte à quel point on a été manipulé et exploité. A quel point le venin est entré profondément sans que l’on en soit conscient, comprendre à quel point nous avons été morts tout en se croyant en vie.
Cela passe par un questionnement général. Etant dans un contexte où ce que nous croyons relève pour beaucoup de conditionnement, il en va de notre responsabilité aujourd’hui de questionner même les choses qui semble évidentes et logiques. Ce n’est pas une démarche évidente, mais incontournable. Nous devons sortir de leur norme pour revenir au naturel. Nous devons questionner nos croyances sur la vie, la nature, la femme, les hommes, l’éducation, le couple, la famille, l’économie, la politique, la sexualité, le bonheur, la vie….
Nous devons rechercher les options qui étaient disponibles avant cette colonisation mentale. Questionner les anciens écrits, pour en tirer l’essence. Lorsqu’aucune base fiable n’est accessible nous pouvons construire la nôtre. C’est un travail qui en vaut la peine. Comprendre ce qui est réellement important et plus propice à notre épanouissement.
La plupart des gens ont l’impression d’être enfermés dans cette société actuelle, comme si elle avait toujours existé. Il est important alors de rappeler qu’elle n’est absolument pas universelle ni intemporelle. Tout le monde ne pense pas et ne vit pas de la même façon à travers le monde. Et ce que nous connaissons aujourd’hui n’a pas toujours existé. Le territoire actuellement français, ne l’a pas toujours été et a connu les peuples celtes qui eux-mêmes prônaient des valeurs totalement différentes. Non, la société occidentale moderne n’est absolument pas incontournable. Donc elle peut être dépassée.
C’est bien pour cela que je parle autant d’émancipation. C'est une démarche individuelle et sociale. Mais surtout, c'est une démarche volontaire.
Nous avons le droit de nous détacher d’un système qui depuis sa création, s’épanouit sur notre exploitation. Nous avons le droit et même le devoir de restaurer nos valeurs, nos cultures et de nous les réapproprier. Nous sommes beaux et dotés de mille aptitudes qui ont permis à l’humanité de traverser les siècles en harmonie.
Il est de la responsabilité des intellectuels d’investir leur énergie et leurs compétences dans cette restauration, en arrêtant de raisonner à travers les rails imposés.
Il est de la responsabilité des parents de s’émanciper pour offrir à leurs enfants une autre perspective. Nous ne pouvons perpétuer cet outrage mental en acceptant que nos enfants soient sans cesse exposés aux armes qui ont détruit nos sociétés.
Refusons d’être infantiliser. Nous avons la capacité d’être responsable et autonome, à nous de la développer. Nous n’avons pas besoin d’être pris en charge, d’être éduqué, d’être orienté.
Pour ceux qui aimeraient aller plus loin dans cette réflexion, je vous invite à vous procurer mon livre Correspondance coloniale qui met justement en lumière ces stratégies de conditionnement et leur impact sur les peuples survivants.
Je vous invite aussi à participer aux diverses manifestations à ce sujet, dont les miennes. Ce sont de réelles opportunités pour mieux comprendre ces stratégies, mais aussi prendre conscience de soi et de nos potentiels.
Il en va de la survit de nos peuples et de celle de la planète telle que nous la connaissons, que nous adoptions une nouvelle position.
Merci pour ton point de vue sur l'aliénation mentale, malheureusement, c'est un symptôme qui affecte certaines personnes issues de peuples colonisés. Zeba avec son ouvrage "Correspondance coloniale" nous propose un autre regard sur les effets de la colonisation, basé sur ses observations et expériences.